Démographie médicale : Sophie Borderie veut faire entendre la voix du Lot-et-Garonne dans la campagne présidentielle


23 janvier 2022 - 2587 vues

Agen, le 19 janvier 2022

Messieurs les Présidents d’associations d’élus,

Mesdames, Messieurs les Présidentes de Communautés de communes et d’agglomération,

L’accès aux soins figure aujourd’hui en tête des préoccupations des français. Or, force est de constater l’insuffisance et l’inefficacité des politiques publiques nationales mises en place successivement pour lutter contre les inégalités territoriales.

Selon les derniers chiffres, entre 9 et 12 % de la population française vit aujourd'hui dans un désert médical, soit 6 à 8 millions de personnes. Pour ces 10 % des Français qui habitent les territoires les moins bien dotés, il faut en moyenne 11 jours pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste, et 189 jours pour un ophtalmologue. Les écarts de densité entre départements varient en moyenne de 1 à 3 pour les médecins généralistes. Si le rythme d'adoption des lois « santé » tend à s'accélérer, à savoir une tous les trois ans contre dix ou quinze ans auparavant, et alors que les plans gouvernementaux se succèdent sans succès, les enjeux de l’adaptation de l'offre de soins, et plus particulièrement dans nos territoires ruraux, demeurent les mêmes et pourraient encore s'aggraver avec le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et la dépendance.

De récentes études, telles que celles menées par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) le démontrent de façon très claire et objective : le fossé se creuse entre territoires ; les habitants du milieu rural vivent en moyenne deux ans de moins et, à âge et sexe égal, consomment 20% de soins hospitaliers en moins que ceux des villes. Le renoncement aux soins devient donc exponentiel. Les stratégies d’attractivité par l’argent montrent aussi leurs limites car les territoires priorisés octroyant d’importantes aides à l’installation, auxquels s’ajoutent souvent les défiscalisations de zone de revitalisation rurale, ne suffisent plus pour attirer de nouveaux professionnels de santé. Pire, ces incitations financières génèrent de la concurrence entre territoires avec comme effet pervers de créer un « mercenariat » de médecins généralistes français et étrangers qui souvent quittent leur poste la veille de l’arrêt des aides pour, parfois, bénéficier à nouveau de ces mêmes aides quelques kilomètres plus loin.

Face à cette situation, les collectivités territoriales ont fait preuve de courage et de responsabilité, en multipliant les initiatives pour faire face à l'absence de médecins généralistes ou de spécialistes, consacrant des sommes importantes à la lutte contre la désertification médicale, fédérant les acteurs locaux, alors que ce combat relevait avant tout de la compétence régalienne de l‘Etat. En Lot-et-Garonne, de très nombreuses initiatives ont été mises en œuvre, souvent citées en exemple au niveau national : définition des aires de santé, création de la Coddem, élaboration d’une charte de non concurrence….

Malheureusement, si ces initiatives ont retardé la désertification médicale annoncée, elles ne sont plus aujourd’hui suffisantes et elles ne pourront durablement palier la nécessité de prendre au niveau national des décisions fortes et audacieuses, nécessaires et incontournables.

A quelques semaines des élections présidentielles et à quelques mois des élections législatives, il me parait ainsi indispensable de contribuer à faire de l’accès au soin un des sujets principaux des débats à venir. Il est en effet inconcevable que certains habitants, selon leur lieu de résidence, subissent des pertes de chances !

C’est pourquoi, je vous propose d’élaborer conjointement à cet effet, sur le modèle de la charte de non concurrence entre territoires, un appel commun et solennel des élus lot-et-garonnais à l’ensemble des candidats aux élections présidentielle et législatives sous la forme d’une lettre ouverte que nous cosignerions, quelle que soit notre implication dans les élections à venir, autour de quelques propositions fortes mais réalistes de court et moyen terme pouvant faire consensus, tels que le conventionnement sélectif pour favoriser l’installation de médecins dans les territoires sous-dotés, l’augmentation réelle du nombre de professionnels de santé formés suite à l’introduction du numerus apertus, l’obligation exceptionnelle et transitoire - négociée avec la profession - de présence en zone sous-dense pour les internes de médecine au cours de leur dernière année d’internat, le classement de l’intégralité du Lot-et-Garonne en Zone d’Intervention Prioritaire (ZIP), le soutien financier renforcé de l’Etat aux initiatives locales….

Certaines de ces propositions peuvent paraitre contraignantes, tout comme le sont les règles d’affectation des jeunes enseignants en collèges et lycées, mais nous ne pouvons plus nous satisfaire de discours ou de demi-mesures dépassées ou inefficaces.

En se déclarant à 60% favorables à des mesures plus fermes pour lutter contre les déserts médicaux, les Français l’ont bien compris, et nous devons aujourd’hui, à notre niveau, prendre pleinement à nouveau nos responsabilités pour réaffirmer que le principe d’égal accès aux soins est un des piliers de notre République.

Si ma proposition recueille votre assentiment, je vous adresserai rapidement une trame de déclaration solennelle pour amendement. Pour pouvoir peser sur la campagne nationale (présidentielle) ou locale (législative), il serait nécessaire que cette déclaration puisse être rendue publique début février.

Messieurs les Présidents d’associations d’élus, Mesdames, Messieurs les Présidentes de Communautés de communes et d’agglomération, je crois sincèrement à l’intérêt de cette initiative commune. Nos concitoyens ont besoin de savoir que nous pouvons nous rassembler dans les moments importants et qu’en matière de défense de la ruralité et du service public, garant de la cohésion sociale, nous ne baissons pas les bras et restons déterminés et unis au-delà de nos différences.

Je vous prie de croire, Messieurs les Présidents d’associations d’élus, Mesdames, Messieurs les Présidentes de Communautés de communes et d’agglomération, en l’assurance de ma considération distinguée.

Sophie BORDERIE

Présidente du Conseil départemental

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