FINANCEMENT DE LA LIGNE A GRANDE VITESSE « GRAND PROJET DU SUD-OUEST » (GPSO)


22 octobre 2021 - 2635 vues

Le Premier ministre Jean Castex a confié le 28 juillet 2021 au Préfet de région Occitanie Etienne Guyot une mission de coordination visant à mobiliser les collectivités territoriales d’Occitanie et de Nouvelle Aquitaine pour arrêter les modalités de réalisation des lignes nouvelles à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, dénommées « Grands Projets du Sud-Ouest » (GPSO). Cette décision répond à la demande adressée par certaines collectivités du grand sud-ouest à l’Etat de créer par voie d’ordonnance un établissement public local ayant pour mission le financement du projet GPSO, comme l’y autorise l’article 4 de la loi d’orientation des mobilités. Or cette loi fait expirer le délai de promulgation de l’ordonnance de création de l’établissement public local en avril 2022, ce qui nécessite un envoi au Conseil d’Etat dès fin décembre 2021. C’est dans ce calendrier particulièrement contraint que les collectivités du grand sud-ouest sont amenées à devoir se positionner sur leur participation au financement du projet GPSO.

Que demande-t-on au Département de Lot et Garonne ?

Le coût du projet GPSO est aujourd’hui estimé par l’Etat à 14,3 milliards d’euros courants (base septembre 2021). La répartition envisagée par l’Etat pour boucler le plan de financement est la suivante :

  • 5,7 milliards pour l’Etat (soit 40%), sachant l’Etat semble ne s’être engagé qu’à hauteur de 4,1 milliards d’euros tel qu’il en résulte des annonces faites par le Premier ministre,

  • 2,9 milliards d’euros pour l’Union Européenne (soit 20%),

  • 5,7 milliards d’euros à financer par les collectivités d’Occitanie et d’Aquitaine (soit 40%) dont 2,6 milliards d’euros pour les collectivités de la région Nouvelle Aquitaine.

La part sollicitée auprès du Département de Lot-Garonne représenterait aux alentours de 120 M€. L’expression « aux alentours » signifie, d’une part que le Conseil départemental de Lot et Garonne, comme la plupart des autres financeurs potentiels, ne dispose d’aucun document financier finalisé proposant un montant stable, d’autre part que le Conseil départemental de Lot et Garonne, comme la plupart des autres financeurs potentiels, n’a été associé à aucune discussion préparatoire qui lui permettrait de disposer d’un fond de dossier complet susceptible de justifier ces coûts et leur répartition.

Le montage financier proposé aux collectivités locales

Les contributions des collectivités pourraient être diminuées de 30% par l’instauration d’une fiscalité locale qui permettrait à l’établissement public local, dite « société de financement » de bénéficier de ressources directes et dédiées. Ces ressources proviendraient d’une fiscalité locale supplémentaire, au travers de deux outils :

  • Une Taxe Spéciale d’Equipement (TSE), qui serait payée par les contribuables de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne, du Gers, du Tarn et de la Haute-Garonne et qui constitue une taxe additionnelle aux deux taxes foncières (bâties et non bâties), à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises,

  • Une Taxe locale Sur les Bureaux (TSB) assise sur les surfaces à usage de bureaux, de locaux commerciaux, d’espaces de stockage et d’espaces de stationnement (avec des modulations de tarifs selon les départements en fonction du gain de temps vers les villes de Bordeaux et de Toulouse).

La société de financement pourrait, par ailleurs, étaler l’échéancier des remboursements des collectivités sur une période annoncée de 38 ans.

Un projet avant tout national et européen

Le projet GPSO est avant tout un projet à dimension nationale et européenne. Pour un tel projet, les participations annoncées de l’Etat (seulement 40%) et de l’Europe (20%) sont incontestablement insuffisantes. Les projets d’aménagements structurels de dimension nationale et européenne doivent être en priorité financés par l’Etat et l’Europe et non les collectivités locales, sur le modèle des lignes LGV Méditerranée ou LGV Rhône-Alpes.

Dans le même temps, la mise en place par l’Etat d’une fiscalité additionnelle spécifique qui frapperait les ménages et les entreprises lot-et-garonnaises à hauteur de 48,5 M€ parait totalement inopportune en période de redressement, encore fragile, de l’économie locale et alors qu’une partie des lot-et-garonnais a vu sa situation sociale se dégrader en raison de la pandémie de covid-19.

L’expérience de nos contributions passées

Le Conseil départemental de Lot-et-Garonne a déjà financé près de 35 M€ pour soutenir les projets de ligne à grande vitesse :

  • 33,6 M€ pour le tronçon Tours-Bordeaux,

  • 1,13 M€ pour les études techniques et réglementaires nécessaires au projet GPSO.

Rappelons que sur le financement du tronçon Tours-Bordeaux, pour lequel les collectivités étaient appelées à financer le projet à hauteur de 1,5 milliard d’euros, le refus pour 23 d’entre elles de signer la convention financière a représenté une somme de 290 M€. Cette situation inéquitable avait d’ailleurs conduit notre Assemblée à décider à l’unanimité par délibération du 10 juillet 2015, de suspendre nos versements, versements finalement honorés en totalité.

Malgré l’absence de ces 23 collectivités, le projet Tours-Bordeaux est arrivé à terme. De plus, il convient de noter que certains territoires qui ont refusé de participer au financement de la LGV Tours-Bordeaux, alors qu’ils en retirent des bénéfices directs, ne sont pas appelés à prendre part financièrement au projet GPSO.

Le contexte a changé pour les conseils départementaux

Il convient de remettre en perspective la sollicitation actuelle de l’Etat avec les réalités que notre collectivité connaît et les politiques publiques qu’elle met en œuvre :

  • Les conseils départementaux ont perdu la clause de compétence générale, ce qui leur interdit désormais d’intervenir sur des champs de compétence autres que ceux que lui attribue la loi.

  • Les conseils départementaux se sont vus retirer la compétence transport qui a été transférée aux Régions.

  • L’Etat supprime progressivement toutes les marges de manœuvre financières des conseils départementaux avec la perte de tout levier fiscal, impose aux collectivités locales des dépenses obligatoires non compensées, notamment pour le RSA, puis fixe des règles de contrainte budgétaire de type « pacte de Cahors » pour limiter leurs dépenses.

Avec des marges de manœuvre financières de plus en plus contraintes, soumises à des règles sans cesse mouvantes et non négociées, les Conseils départementaux sont très fortement invités à la prudence budgétaire et à se consacrer à leurs compétences propres, dont ne fait pas partie l’investissement ferroviaire.

Un programme d’investissement difficile à tenir dans ce contexte

Comme la plupart des collectivités, notre Département s’est engagé dans une nécessaire démarche de refondation de ses politiques publiques et de priorisation de ses investissements en se recentrant sur ses compétences premières et donc prioritaires, notamment le social, l’éducation et les mobilités du quotidien axées sur nos routes départementales.

En matière d’investissement, le Conseil départemental a engagé des efforts importants pour améliorer le patrimoine existant, notamment dans nos collèges, améliorer les déplacements des lot-et-garonnais au quotidien, déployer sur tout notre territoire le très haut débit.

Dans le contexte économique actuel lié aux conséquences de la pandémie, le Conseil départemental gère plus que jamais son budget de façon saine et rigoureuse. Or force est de constater que notre budget, une fois équilibré et les emprunts réalisés, ne nous permet pas de réaliser tous nos projets dans les délais que nous souhaiterions. Nous devons donc faire des choix, des arbitrages, ce qui se traduit, exemple parmi d’autres, par l’impossibilité de financer à la fois la déviation de la RN21 La Croix Blanche – Monbalen et le barreau de Camélat. Notre capacité de financement nous impose de prioriser et de reporter certains projets.

Dans ce contexte, s’engager à financer GPSO pour près de 3,15M€ par an pendant 38 ans amputerait notre collectivité d’une capacité d’investissement considérable et dégraderait de façon inacceptable les ratios de gestion, notamment de désendettement de notre collectivité. Notre Département laisserait ainsi une dette pour les générations futures en obérant toutes nouvelles perspectives ou possibilités d’investissement.

Je vous propose d’adopter la délibération suivante :

La commission permanente décide :

- au regard des motivations présentées dans le rapport, de refuser toute participation financière au projet GPSO.

Sophie BORDERIE

Présidente du Conseil départemental

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